L’émotion grignote la réflexion, le prêt à penser remplace l’analyse, le tweet se substitue au reportage de terrain, l’instantanéité bouscule la vérification, le virtuel prend le pas sur la réalité, l’écume noie le fond, les grands groupes tuent la diversité, l’illusion de la gratuité bouscule le coût réel, l’intérêt collectif est bouffé par les appétits de quelques puissants. L’information est mal en point et les journalistes restent pour la plupart complices de ces dérives. La déontologie, la charte de la profession deviennent des termes obsolètes face aux pouvoirs manipulateurs de ceux qui se disputent le gâteau médiatique. Les consommateurs eux aussi restent trop souvent spectateurs semblant (si l’on en croit le dieu audimat) se satisfaire du désormais célèbre triptyque : météo, faits divers, sport qui a envahi jusqu’à la nausée la plupart des écrans, ondes, journaux, ordinateurs, téléphones portables. Alors tous coupables ? Il existe heureusement des poches de résistance et ces deux cours programmés par l’Université Populaire de Bordeaux sur l’éthique et les médias, s’inscrivent dans ce refus de cette dégradation programmée.
Pour cette première séance, il s’agira, pour comprendre de quoi on parle, de comprendre le fonctionnement du monde médiatique, des entreprises et des professionnels qui le compose. Qu’on ne s’y trompe pas l’âge d’or de la presse n’a jamais existé. Les dominants ont toujours voulu contrôler les médias et les journalistes. La censure, l’autocensure ne sont pas des créations récentes. L’image du grand reporter solitaire et indépendant fait partie des nombreux clichés qui polluent ce secteur. Nous évoquerons également les écoles de formation de ces journalistes, trop souvent machines de sélection sociale bien loin du mythe « journaliste par vocation ».
Cette séance sera animée par Patrick Balbastre. Après un début de carrière dans l’industrie automobile, il tente le concours de l’IUT de journalisme, qui réservait à cette époque quelques places à des personnes issues du monde du travail histoire afin de pratiquer un peu de brassage social dans une profession qui en a bougrement besoin. C’est grâce à cette politique des quotas qu’il entrera dans le journalisme, qu’il pratiquera pendant 30 ans dans une radio locale du service public.