INTERVENANT : Philippe Pelletier, Professeur de Géographie, Université Lyon 2
L’écologie et la pensée anarchiste
Il faut d’emblée distinguer l’écologie (la science, une science), l’écologisme (le mouvement ou la doctrine qui s’appuie plus ou moins sur cette science), l’anarchie (une situation et un horizon sans dominations) et l’anarchisme (le mouvement ou la doctrine qui prône l’anarchie). Écologistes et anarchistes peuvent partager des combats (les AMAP, les ZAD, contre les GP2i, pour l’amélioration de l’environnement), et certains constats. Mais les antinomies sont nombreuses. L’écologisme est autoritaire dans sa tactique et sa stratégie, voire dans sa vision du monde (question des classes sociales, de la nature humaine). Il a de surcroît renoncé à son pacifisme (ralliement à l’OTAN en Europe). L’écologisme repose sur une confusion entre science et politique, qui ressemble d’ailleurs à la posture du marxisme (socialisme scientifique, téléologie historique), avec lequel il partage également une même vision (eschatologie et catastrophisme). De fait, historiquement, les anarchistes qui se défient du marxisme ont récusé l’écologie fondée par le social-darwinien Ernst Haeckel, à l’instar d’Élisée Reclus qui lui préférait la mésologie.
L’essor des problématiques environnementales, l’instauration d’un capitalisme vert (Club de Rome, GIEC, PNUE, WWF…) et la période de mai 68 ont introduit une grande confusion. Une clarification s’impose sur le chemin de l’émancipation individuelle et collective.